vendredi 27 mai 2016

N°22 - Ma Face

Cette chronique est inutile, car elle ne procure ni gain, ni bénéfice.


J'ai perdu la face. L’individu qui me l’a fait perdre m'a dit que ce n'était pas si grave.

Sur le coup, je me suis dit : « C’est vrai : il n’y a pas mort de femme, après tout ! »
Mais si l'on y réfléchit deux secondes, sur ma face, il y a mes yeux. Vous savez, "le miroir de l’âme"... 
Sur ma face, il y a aussi mon nez, Figure de Proue. Avec, je ne le sentais déjà pas trop, ce gars...  Mais comment sentir sans ? Et si je ne pouvais plus sentir du tout ? Comment me dirigerais-je ?
Sur ma face, il y a ma bouche - celle qu'on ne fait pas fermer comme ça lorsque ma face est à sa place. Puis il y a mon menton, enfin, qui assure le maintien du tout.

Tout cela n'est pas rien !

Bonne joueuse, j'ai bien tenté, sous le choc, de me réciter un : « Ce qui ne me tue pas me rend plus forte » ! 
Même l’humiliation ?

Sans ma face, l’image que j’ai de moi est forcément brouillée, et même illisible. C'est bien simple : je ne me reconnais plus.

Je vais la chercher, puis la retrouver, il n’y a pas de raison.

Mais je ne me la laisserai plus manipuler comme ça, car c'est mon bien, et il est précieux. À trop souvent m'en laisser dessaisir poindrait le risque que naisse du ressentiment, lequel pourrait prospérer, au point peut-être que je ne veuille pas la face à mon tour, mais la peau complète de celui ou celle qui aurait joué trop inconsidérément avec ma face.
Car celle-ci ne m'est pas utile, elle m'est juste indispensable - sans compter que je veux pouvoir jouer comme je veux et quand je veux n'importe quel face à face (ou face à pile, et inversement).

Le numéro suivant de CHRONIQUE INUTILE DU VENDREDI (La) vous causera d'une recherche d'écriture authentique.

vendredi 20 mai 2016

N°21 - Au-delà Du Sport



Cette chronique est inutile, car elle ne procure ni gain, ni bénéfice.

C’était dingue ! L'ambiance était survoltée ! Je n'avais jamais vécu une chose pareille...
Cet homme aura laissé une empreinte indélébile dans l’Histoire !

Croyez bien qu’il n’est pas dans mes habitudes d’idolâtrer qui que ce soit, mais j’étais de ces porteurs de masque à son effigie, simplement parce qu'il était inconcevable dans mon esprit de ne pas communier avec la foule, pour cette offrande d'un dernier reflet ému en son hommage.

L'ovation dura un instant, ou une éternité. Je ne sais plus. J’ai d'abord retenu mes larmes, puis j’ai finalement craqué lorsqu’il nous a remercié d'une si belle façon en poussant du torse le cuir au fond, paré de son style si singulier.

Il nous a tellement donné ! Des réalisations qui auront touché au sublime, avant qu'il ne parte en Légende, accompagné de ses enfants aux maillots marqués du sceau "King" et "Légenda".

Parcouru d'un interminable frisson, j'ai pensé à ces nombreux imbéciles crispés qui n'ont absolument rien saisi de la dimension spirituelle et universelle de tout ce qu'il nous a permis de vivre... 
J'ai songé à tous ces commentaires ras des pâquerettes : "De quel droit se compare-t-il à Dieu ?" ; "1,5 millions d'euros bruts par mois, c'est indécent!" - j'en passe, et des meilleures !

Et donc ? 
Qu'est-ce que tout cela est censé résumer ? 

La Beauté et le Rêve ont un coût - et cela sans compter qu'un certain nombre de ceux qui parlent perçoivent des salaires mensuels de 2000 euros et plus pour réaliser de sombres tâches la plupart du temps (pour lesquelles ils pourraient être aisément remplacés) : vous ne trouvez pas que ça fait beaucoup, , si on remet chaque chose vraiment à sa place ?
Je ne vous parle même pas de tous ceux-là aux minimas sociaux, qui voient à redire alors qu'ils vivent aux dépends de la société. 

Alors quoi donc ? Soyons un peu sérieux, non !? 

Ces moraleux jaloux et aigris estiment que nous n'aurions pas besoin de restituer un peu de magie à ce triste monde, c'est ça !? 

Quand j'entends tout ça, je comprends que la Légende ne soit pas mécontente de quitter "ce pays de merde", selon ses propres mots qui, s'ils peuvent choquer, devraient plutôt interroger la critique destructrice étriquée et permanente de la part de ce bas monde !

Du coup, je n'ai guère de mal à le rejoindre sur ce point : "Only God can judge him" ! 
Et vous aurez bien compris que les propos que je tiens-là transcendent très largement le footballeur et le football ; qu'ils transcendent les clivages traditionnels (ma camarade communiste gueulait son nom plus fort que moi, dans les tribunes ! Et elle y mettait toutes ses tripes ! Mais comment l'en blâmer ? Et pourquoi l'en blâmer ?). 
C'est tout !

Heureusement que la presse a très largement contribué à propager sa gloire - pour une fois qu'elle faisait son travail ! J'espère que ça continuera longtemps encore.

Le numéro suivant de CHRONIQUE INUTILE DU VENDREDI (La) vous causera de ma face.

vendredi 13 mai 2016

N°20 - Décroissance

Cette chronique est décroissante, car elle ne procure ni gain, ni bénéfice.

Parce que oui, je m'y suis intéressé, à la décroissance ! Mais il ne m'en reste que quelques souvenirs épars et décroissants. 
L'"entropie"... Tout ça...

Les décroissants disent qu'il est impératif de décroître, et urgemment...

Moi qui n'ai pas la sensation de m'y être tout particulièrement attelé, je m'aperçois que je décrois plutôt bien, avec l'âge : je suis moins résistant, et même plus fantomatique, parfois.
L'entropie !

Certaines de mes amitiés d'antan décroissent, aussi, comme "ces amitiés anglaises qui commencent par exclure la confidence et qui bientôt omettent le dialogue"*.

Le truc, c'est que nous formons tous une réunion de machins espacés dans l'espace - lequel contient infiniment (ou presque) plus de vide que de machins, d'ailleurs - et que nous sommes tous condamnés à de grosses fatigues subalternes, en lieu et place de nos sensations fugaces de puissance et d'éternité qui précèdent l'usure complète et l'arrêt, en vertu de ce fichu... principe universel d'entropie !

Bah merde, alors ! Si c'est comme ça, dans la famille À l'Aide, je demande... DIEU, moi ! Mais bon !... je dis ça pour rire, car ma demande serait beaucoup trop intéressée et ce ne serait pas très bien !

Ma question, en fait, c'est plutôt : pourquoi militerais-je pour accélérer cette irrépressible saloperie ?

Je suis certes un pas-grand-chose par rapport à l'énormité du Vide Intersidéral (Vide qui me constitue pour l'essentiel, d'ailleurs : pouah !), mais il n'empêche que je l'emmerde, le Vide ! Mes semblables et moi devons profiter de notre Instant fugace, et cela d'autant plus qu'il est fugace, non !? Surtout quand on a bien capté que le Vide, ça ne sait ni rire, ni pleurer.

Puis ça comprend rien, non plus, le Vide. Dans les deux sens du terme, en plus !
Et même s'il est très vrai que je ne comprends pas grand-chose à grand-chose, ça illustre bien tout de même cette différence fondamentale entre le rien et quelque-chose !

Ma dignité se niche là.

Mais attention : je continue à conchier mes semblables dès lors qu'ils se piquent de croître à l'infini sur le dos et au détriment de leurs frères et sœurs de pas-grand-chose, sous prétexte qu'ils ne sont pas rien.

Le numéro suivant de CHRONIQUE INUTILE DU VENDREDI (La) vous causera de considérations qui se situent au-delà du sport.

*J.L. Borges

vendredi 6 mai 2016

N° 19 - Retard Annoncé

Cette chronique est inutile, car elle ne procure ni gain, ni bénéfice.

Être à dos d'âne sur les horaires, c’est parfois se jeter dans la gueule du coucou inutilement.

Le matin, par exemple, lorsque tu te sens comme une limace dans un jeu de quilles, une première évidence s'impose à toi : tu ne vas pas renverser grand yak ! Congruence totale, alors, entre faim de gnou ; humeur canine et météo maussade à fouetter des petits félins !

Muet comme un mulet mal léché tu seras, et la seule mouche égarée du secteur sera pour... toi - comme par lézard, et te piquera, toi, comme de bien entendu ! Tu ne la connaitras nid d'aigle, ni dedans, mais tu auras tout de même droit à ce drôle de début d'interrogatoire de zèbre : "Quelle mouche t'a piqué ?"

Ensuite, et cela après t'être grandement contrôlé afin ne pas prendre ladite mouche (... dont on ne sait que faire, lorsqu'on la prend, ne nous racontons pas d'histoires !), quitter le plancher des vaches espagnoles sera encore tellement inconcevable que tu te traîneras comme un ver vers la salle de bain, fait comme un agneau qui, lentement, mais sûrement, a la sensation de plus en plus nette de devenir chèvre. 

Si tu trouves alors une seule bonne raison de ne pas brailler aux corneilles lorsque tu découvriras l'heure avancée - et cela bien que tu te sois infligé, au début, cette indicible souffrance consistant à te laisser tomber lourdement du lit à l'heure dite "pour ne pas être en retard" - là, je n'aurai qu'un mot à ton égard : "Respect !".

Le numéro suivant de CHRONIQUE INUTILE DU VENDREDI (La) te causera de décroissance.